Hautes herbes, Cantique du Printemps

 

 

 

 

 

 

 

 


Ivre d’herbe sous le soleil végétal
Je confie mes mains aux flammes du feuillage
Ardent sous la ramure
Le feu me désaltère
Et tout ce vert suffit à ma prière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Allongé dans l’herbe haute
Le temps se fait lumière
Et sur mes doigts se laisse butiner
La fleur aussi écoute
L’unique parole solaire
Que portent les abeilles
Dans l’herbe haute
La vie s’allonge à mes côtés
Corps vide de moi-même
Et disponible au foison vert

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Mon regard
Dans l’iris végétal du printemps
La forêt ne me quitte plus des yeux

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Doigts dans l’herbe
Comme aux cheveux de l’enfant
Je regarde l’infini dans ses détails
Pupilles de pollen dans la lumière qui rit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


L’arbre est la partition de l’oiseau
Et mon poème s’écrit à la pointe du soleil


Seul le chant convient à la lumière qui croît

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Sous la ramure il est vain de penser

La lumière se détend allonge ses rayons
La chaleur du café s’enracine au ciel clair
Et le corps à l’écoute
Est un fruit qu’on savoure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les cigales se sont tues
j’entends l’éternité

Une chaise devant moi
J’invite la forêt
Je peux me mettre nu si elle me le demande
Je ne veux rien négliger

La mémoire posée comme un fruit sur la table
Les collines retournent à la mer
Le silence est libre d’aller où il veut
Je lève mon verre et je trinque avec lui

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fidèles fleurs compagnes de la quête
Robe d’âme à l’envie ravivée


Ferveur d’être vivant
La joie est végétale vertu

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Pluie lente 
Herbes lisses du jour
Front de femme en paix

Ma main caresse l’air
Rien à saisir
Rien à perdre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le printemps a plus d’un corps

J’ai sa lumière aux lèvres
Et la sève à mes veines
Et je les vois passer
Jeunes fièvres fuselées
Jeunes filles semées

Alors les mains dans le soleil
Je fais le vœu d’aimer

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A force de silence et de m’émerveiller
je veux croire au plus nu
Garder foi en ce qui naît
Et prendre feu dans l’innocence

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le corps est toujours une soif

Jeunes femmes
A mesure que j’approche
La source se confie
A vos regards de sel

Chaque fois plus jeune
Et chaque fois plus lucide

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Etre un arbre dans l’azur
Et qui jamais ne doute
L’âme nubile
A l’écoute des fécondations
Rester ce fruit qui couve sous la braise
Garder sur chaque doigt la saveur du soleil

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Présent à toute chose
Nourri par la plus humble
Je suis reconnaissant

Mon regard
Versé sur la terre
Comme vin de libation

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les mains pailletées d’infini
A l’orée du mica schiste
Chaussé de fleurs et d’astres

Je ne marche que pour faire allégeance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Avec mon corps je salue la lumière

L’amour même pour la pierre
Fervent sous la suée des pollens
Mains ouvertes au ciel mûr

Chaque arbre me transfigure

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


L’aube au front
L’or à la branche
Les yeux fermés
Je prends mon souffle

En moi résonne
Les corps d’animaux
Les poumons de la terre


Les yeux fermés
Regard au front
J’inspire la lumière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Corps à corps avec la vie
La nudité est verticale

La forêt me dévêt
Debout dans la lumière

De la fleur à l’étoile
La beauté me dévoile

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le printemps de  nouveau nous met au défi

Serai-je assez vaste 
Ai-je assez de feu
Pour qu’il me reconnaisse
Rien ne fait obstacle à la ferveur végétale
Pas une herbe qui hésite
Pas une fleur avare

Mais moi
Ai-je aimé jusqu’à la force des fleurs
Ai-je ouvert des chemins au désir
Et suis-je assez nu face à tant de lumière

 

 

 

 

 

 

 

 


Viril qui peut s’émerveiller
Gestes d’arbre parole d’océan
Et se charger d’aimer
 Avec des mains d’enfant

Viril qui sait cueillir la fleur
Et lucide avec la nuit
Patienter jusqu’à l’aube

Viril qui peut faire silence
A la mesure des arbres
Et par-dessus le temps
Aimer la mort en face

 

 

 

 

 

 

 

 


La forêt écume jusqu’à mon seuil


Assis à ma table verte je lève les yeux et je l’écoute


Dos à dos à la colline
Ma maison aussi est presque végétale

La bière des bourgeons mousse à la cime des arbres
Le ciel est un miroir où j’aime regarder
Je me vois siroter un petit verre de thé
Le goût de la menthe et le parfum des fleurs
J’en ai partout sur les doigts
Du sucre dans le cœur
Comme une bave aux branches
Du sucre vert aux lèvres
Et je respire dans les poumons du vent

Mon corps est vaste léger partout
Attentif aux fougères
A la marche
Au rêve fragile des violettes

L’esprit fécond comme la terre
J’accompagne les fleurs
En feuilletant quelque livre
Apollinaire Li Po Rimbaud Bashô
Et je trinque avec leurs vers
J’écoute les bonnes et les mauvaises herbes
Je les écoute pousser répondre
A l’amour de la terre
Toujours fidèle
Toujours fidèles
Depuis tous les printemps du monde
Bien avant moi
Bien avant mes parents
Bien après moi
Bien après mon enfant

L’herbe l’herbe
Messie d’éternité
Je te feuillette je t’entends je te respire
Je m’enivre aux innombrables pages vertes
J’ai foi en toi
Confiant
Gourmand
Mon petit verre de thé à la main
Je paresse dans l’abondance de ta promesse

Evangile du printemps

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                         Poèmes crétois

 

 

 

 

 

 

 

 


Pierre après pierre
Je rejoins le soleil
Et dans mon soin d’aimer
Mon corps ne prétend
Rien de plus que les fleurs
Je l’ai adonné à la mer
Et depuis mes os
Sont plus proches de la roche
Plus purs que la lumière
Ma mémoire a la blancheur des pierres
A mes tempes le vent a la vigueur du sang
les oliviers sont des icônes sauvages
Et par tous les sentiers
Comme on va à l’église
Je me rends au soleil

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’orage plante sa corne dans la mer
Le monde retrouve origine
L’innocence au corps nu enlace la fureur
Et la grâce est guerrière
Grondements aux veines
Et mains sauvages sous l’haleine du vent
Le mufle de la pluie cherche ma caresse
Et Vénus écume à la mémoire
Quand monte de la terre
Son parfum d’herbes mouillées

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Assis sur la roche de lumière minoenne
Je laisse durer le silence minéral
Rien n’est écrit que le signe éphémère de la fleur
Quelques herbes folles suffisent au vent
Pour effacer le temps
Le dos droit face aux colonnes abattues
La paume de ma main pardonne à la pierre brisée
 J’épouse vivant la lumière verticale

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur la falaise
Le vent affûte
La lumière pétrifiée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


L’azur foulé par les sabots de chèvres
Mon corps est foison de soleil
L’éternité se couche sur les collines
Les chemins montent à la lumière

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                Cinq poèmes tibétains  

 

 

 

 

 

 

 

 


                                   I

 


Robes de moines
Muqueuses de l'esprit
Chemins de sang qui hésitent à mûrir
Au fil des mantras et des livres des Saints
Ce n’est toujours pas le ciel qui coule dans mes veines
Sur les moulins à prière ma main se souvient de la taille des filles
En voyage le soleil tremble aux toits des monastères
Comme aux yeux fardés des belles passagères
Faut-il toujours être si loin de soi-même ?
Mais radieuse est la roue du Samsara
Cerceau d’un jeu qui ne finira pas
Et les enfants, même moines, la font tourner du doigt
Le soleil tremble à l’heure où tout manque d’équilibre
mais quand on a faim et l’envie d’être aimé
On nous sert un verre qui écume
Une assiette qui fume et rayonne d’épices.

 

 

 

 

 

 

 


                                         II

 

 

Xining, Tongren
Villes d’étape et de bruit
Je contemple les nuages en buvant une bière
Attablé parmi les hommes
Ma soif reste au ciel
Ma bière est d’or effervescent
Comme l’âme du méditant
Parmi les klaxons et les fumées d’encens
Mon regard dans les yeux des Bouddha
Et sur les jambes des passantes
Je lève mon verre dans la poussière
Et je trinque avec l’aura de tous les saints.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                          III

 

 

Om mani padme hum
Om mani padme hum
Et la viande des bouchers me rappelle à mon corps
C’est le vautour qui règne sur l’azur
Quand je regarde en amont
C’est lui qui garde la salle de méditation
Om mani padme hum
Om mani padme hum
Mon corps n’est plus qu’un drapeau de prière
Une étoffe de souhaits et de sang
Qui tremble sous le vent
Je m’offre aux becs de la vie
Qu’ils rompent la rougeur de ma chair
Et rendent à la lumière
La blancheur de mes os
Om Mani Padme hum
Om Mani Padme hum
La- haut sous le vol charognard
Le  stupa inaccessible
Ressemble à mon squelette
A chaque pas mon corps pèlerin
Récite son chapelet de désir et de faim
Et je fais le vœu de coucher un jour
Sur le bûcher de la lumière
Om Mani Padme Hum
Om Mani  Padme Hum
Au-delà des monastères
En silence polychrome
Je me prosterne rouge et blanc
Sous les crocs charitables
Des démons accouplés.

 

                                       IV

 

 

Douleur de n’être pas encore Bouddha
Dans le chaos des couleurs recueillies
Je passe des portes et des regards
Je vois les monts là-bas, les voyages de lumière
Et  les seins de Guanyin
Un corps de ciel et de chair m’est promis
Le chamane s’agite comme un soleil couchant
Le pacte des tambours dans ma poitrine
Et la poussière me force à penser aux baisers
Le vent claque des dents dans les cloches des temples
Et mes os sont fragiles quand je songe à l’amour
Autour de moi l’encens est un parfum de femme
Et mon âme est fumante à l’autel du désir
Guanyin ! Guanyin ! Tara blanche ou Tara verte
Pardon ou pas
C’est pour t’étreindre que je te prie
C’est pour t’aimer que je médite.

 

 

 

 

 

 


                                         V

 

 

Tibet !
Ma lyre est gutturale
Entre deux cornes de yack
Cœur de conque sous le vent
Des mantras de cailloux
Roulent sous les pieds
Je me vêts d’un torrent
Et d’un regard d’enfant
Appétit de beurre blanc
Au souvenir des femmes
Je déjeune d’un nuage
Et d’une chope de brume
Allons, peintre, compagnon
Allons, buvons, marchons,
L’âme nue, d’un pas sauvage
Rions dans l’inconnu ! 

                                                                                                                            

 

 

 

 

 

 

 


              

 

                                  Chant dernier pour un Commencement

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


                                  1er janvier


Main sur tes reins
Ciel sur la fenêtre

Je fais des ronds de lumière
Avec mes doigts de chair
Des courbes de silence sur ta peau

 J’écoute le bleu
Qui passe jusqu’à nous
Le bleu souple de mon front
Au soleil de ton ventre

Sainte caresse
Mère du jour
La fenêtre est toute entière
Un ange neuf
Une chair d’amour
Où s’allume ton dos blanc

Et la grâce est d’azur
Au dessin de tes reins

Sainte Marie
Je pense à toi
Sous ma caresse d’homme

Ton corps est bleu
Et ta joie silencieuse

Ta grâce est sous mes doigts
Et le monde commence

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
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