Plusieurs écrivains célèbres ont vécu des expériences mystiques où se sont intéressés à la spiritualité.
Voici un choix de textes qui illustre l'intuition spirituelle de quelques grands auteurs...
Victor HUGO (1802-1885)
(Extrait du recueil Dieu)
L'univers, c'est un livre...
L'univers, c'est un livre, et des yeux qui le lisent.
Ceux qui sont dans la nuit ont raison quand ils disent :
Rien n'existe ! Car c'est dans un rêve qu'ils sont.
Rien n'existe que lui, le flamboiement profond,
Et les âmes, les grains de lumière, les mythes,
Les moi mystérieux, atomes sans limites,
Qui vont vers le grand moi, leur centre et leur aimant ;
Points touchant au zénith par le rayonnement,
Ainsi qu'un vêtement subissant la matière,
Traversant tour à tour dans l'étendue entière
La formule de chair propre à chaque milieu,
Ici la sève, ici le sang, ici le feu ;
Blocs, arbres, griffes, dents, fronts pensants, auréoles ;
Retournant aux cercueils comme à des alvéoles ;
Mourant pour s'épurer, tombant pour s'élever,
Sans fin, ne se perdant que pour se retrouver,
Chaîne d'êtres qu'en haut l'échelle d'or réclame,
Vers l'éternel foyer volant de flamme en flamme,
Juste éclos du pervers, bon sorti du méchant,
Montant, montant, montant sans cesse, et le cherchant,
Et l'approchant toujours, mais sans jamais l'atteindre,
Lui, l'être qu'on ne peut toucher, ternir, éteindre,
Le voyant, le vivant, sans mort, sans nuit, sans mal,
L'idée énorme au fond de l'immense idéal !
La matière n'est pas et l'âme seule existe.
*
Rien n'est mort, rien n'est faux, rien n'est noir, rien n'est triste.
Personne n'est puni, personne n'est banni.
Tous les cercles qui sont dans le cercle infini
N'ont que de l'idéal dans leurs circonférences.
Astres, mondes, soleils, étoiles, apparences,
Masques d'ombre ou de feu, faces des visions,
Globes, humanités, terres, créations,
Univers où jamais on ne voit rien qui dorme,
Points d'intersection du nombre et de la forme,
Chocs de l'éclair puissance et du rayon beauté,
Rencontres de la vie avec l'éternité,
Ô fumée, écoutez ! Et vous, écoutez, âmes,
Qui seules resterez étant souffles et flammes,
Esprits purs qui mourez et naissez tour à tour :
Dieu n'a qu'un front : Lumière ! et n'a qu'un nom : Amour ! -
Gérard de Nerval (1808-1855)
Vers dorés
Homme ! libre penseur - te crois-tu seul pensant
Dans ce monde où la vie éclate en toute chose :
Des forces que tu tiens ta liberté dispose,
Mais de tous tes conseils l'univers est absent.
Respecte dans la bête un esprit agissant : ...
Chaque fleur est une âme à la Nature éclose ;
Un mystère d'amour dans le métal repose :
"Tout est sensible ! " - Et tout sur ton être est puissant !
Crains dans le mur aveugle un regard qui t'épie
A la matière même un verbe est attaché ...
Ne la fais pas servir à quelque usage impie !
Souvent dans l'être obscur habite un Dieu caché ;
Et comme un oeil naissant couvert par ses paupières,
Un pur esprit s'accroît sous l'écorce des pierres !
Baudelaire(1821-1867)
Correspondances
(Extrait des Fleurs du mal)
La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
Henry Bauchau (ecrivain contemporain)
Exercice du matin
Chaque matin sans église
sur le béton farouche
entre l'ignorance et l'amour
je me prosterne
je me prosterne devant rien.
Quand je suis à ma juste place
instant, instinsts, intermittences
de lumière et d'aveuglement
je me prosterne
je me prosterne devant tout
je me prosterne plus profond.
L'oeuvre
Avec mes pierres carrées
je t'enfermerai dans une oeuvre
car tu es courreur de chagrins
et la règle est d'apprendre à rire
Homme
avant de mourir.
On dit dans le livre
des Mutations
On dit dans le Livre des Mutations:
modeste
est le chemin de l'unité. Modeste et riche
comme un passage de troupeaux, comme
un poème
qui s'éloigne sous la cloche des transhumances.
Lisant, je me disais: Il faut écrire ainsi
presque au point de se taire. Est-il bien
nécessaire
de convoquer tant de beaux mots à ton
mariage
avec la nuit? A tes examens d'inconscience
et ce coupage quotidien de vin nocturne
et d'eau? L'homme avec la terre dans le
poème
fait-il oeuvre de musicien? ou le fécond
est-il entre les mots un être de silence?
La voix répond: Il n'y a rien de nécessaire
sauf être là, à chaque instant, de plus en
plus.
D. H Lawrence (1885-1930)
Le corps de Dieu
Dieu est une immense impulsion qui n'a pas encore trouvé de corps
mais pousse vers l'incarnation avec cette immense urgence de la création.
Et qui devient enfin un oeillet: Voilà!, ca, c'est dieu!
et qui devient enfin Hélène, ou Ninon: n'importe quelle femme plaisante et généreuse,
dans la plénitude de sa beauté, étant dieu manifesté,
n'importe quel homme vrai et sans peur étant dieu, vraiment dieu.
Il n'y a pas de dieu
en dehors des coquelicots et du poisson volant,
des hommes qui chantent, et des femmes qui brossent leurs cheveux dans le soleil.
Les belles choses sont dieu venu pour un temps, comme vint Jésus.
Le reste, l'introuvable, c'est le démiurge.
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